Tuesday, December 31, 2013

La qualité des soins: un thème émergent

Depuis plus d’une décennie, l’intérêt porté à la qualité des soins par les professionnels, les pouvoirs publics, les compagnies d’assurance ou les patients ne cesse de croître. Plusieurs phénomènes contribuent à cet intérêt:
1.     La médecine est devenue progressivement plus efficace, mais aussi plus complexe et plus dangereuse, et les récits de mésaventures, erreurs, et autres résultats défavorables se multiplient, aussi bien sur les manchettes des quotidiens («Fausse jambe amputée») que dans des rapports d’experts (par d’exemple, un récent rapport américain intitulé «To err is human» [1] révèle que l’erreur médicale pourrait être responsable aux USA d’un nombre de décès supérieur à celui des accidents de la route).
2.     L’augmentation des coûts des soins attire inévitablement l’attention des organismes payeurs (assurances,état, etc.), qui ne veulent pas couvrir des prestations qui seraient inutiles ou mal justifiées. En Suisse, c’est la loi sur l’assurance maladie (LAMal) de 1994 qui a introduit la préoccupation de la qualité des soins dans les textes réglementaires, par le biais des conditions de remboursement. Ainsi, l’article 32 stipule que pour être remboursées, les prestations de soins doivent être «efficaces, appropriées et économiques», l’article 39 exige que les hôpitaux disposent d’un personnel qualifié, d’équipements médicaux appropriés, et fournissent les médicaments de façon adéquate, et l’article 58 autorise le Conseil Fédéral à prendre des mesures variées destinées à garantir la qualité des soins.
3.     De nombreuses études ont montré une grande variabilité dans les pratiques médicales, que n’expliquent guère les caractéristiques des patients ou des populations servies. Par exemple, le taux de certaines interventions chirurgicales (tonsillectomies, hystérectomies) peut varier du simple au quintuple pour des populations pourtant comparables, et le coût des soins médicaux ambulatoires par assuré est 2,5 fois plus élevé à Genève qu’à Appenzell. Même s’il est difficile de dire qui a raison et qui a tort, force est de constater que tout le monde ne peut pas avoir raison en même temps. Ce constat est notamment à l’origine des évaluations systématiques des connaissances médicales qui visent à aider les cliniciens à prendre des décisions fondées sur des faits plutôt que sur des opinions («evidence-based medicine»).
4.     Plus généralement, la société a changé, la médecine a perdu de son prestige, et une attitude critique du public envers la médecine est désormais considérée comme légitime. Les patients d’aujourd’hui questionnent les décisions de leur médecin, en changent s’ils ne sont pas contents, exigent de la disponibilité et des résultats, forment des associations pour défendre leurs intérêts, bref se comportent en clients.
Correspondance de:
Dr Philippe Chastonay
Centre médical universitaire

Institut de médecine sociale et préventive
Bulletin des médecins suisses (2001)

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