Depuis plus d’une décennie, l’intérêt
porté à la qualité des soins par les professionnels, les pouvoirs publics, les
compagnies d’assurance ou les patients ne cesse de croître. Plusieurs
phénomènes contribuent à cet intérêt:
1.
La médecine est devenue progressivement plus efficace,
mais aussi plus complexe et plus dangereuse, et les récits de mésaventures,
erreurs, et autres résultats défavorables se multiplient, aussi bien sur les
manchettes des quotidiens («Fausse jambe amputée») que dans des rapports
d’experts (par d’exemple, un récent rapport américain intitulé «To err is
human» [1] révèle que l’erreur médicale pourrait être responsable aux USA d’un nombre
de décès supérieur à celui des accidents de la route).
2.
L’augmentation des coûts des soins attire
inévitablement l’attention des organismes payeurs (assurances,état, etc.), qui
ne veulent pas couvrir des prestations qui seraient inutiles ou mal justifiées.
En Suisse, c’est la loi sur l’assurance maladie (LAMal) de 1994 qui a introduit
la préoccupation de la qualité des soins dans les textes réglementaires, par le
biais des conditions de remboursement. Ainsi, l’article 32 stipule que pour
être remboursées, les prestations de soins doivent être «efficaces, appropriées
et économiques», l’article 39 exige que les hôpitaux disposent d’un personnel qualifié,
d’équipements médicaux appropriés, et fournissent les médicaments de façon
adéquate, et l’article 58 autorise le Conseil Fédéral à prendre des mesures
variées destinées à garantir la qualité des soins.
3.
De nombreuses études ont montré une grande variabilité
dans les pratiques médicales, que n’expliquent guère les caractéristiques des
patients ou des populations servies. Par exemple, le taux de certaines
interventions chirurgicales (tonsillectomies, hystérectomies) peut varier du simple
au quintuple pour des populations pourtant comparables, et le coût des soins
médicaux ambulatoires par assuré est 2,5 fois plus élevé à Genève qu’à
Appenzell. Même s’il est difficile de dire qui a raison et qui a tort, force
est de constater que tout le monde ne peut pas avoir raison en même temps. Ce
constat est notamment à l’origine des évaluations systématiques des
connaissances médicales qui visent à aider les cliniciens à prendre des
décisions fondées sur des faits plutôt que sur des opinions («evidence-based
medicine»).
4.
Plus généralement, la société a changé, la
médecine a perdu de son prestige, et une attitude critique du public envers la
médecine est désormais considérée comme légitime. Les patients d’aujourd’hui questionnent
les décisions de leur médecin, en changent s’ils ne sont pas contents, exigent de
la disponibilité et des résultats, forment des associations pour défendre leurs intérêts, bref se comportent en clients.
Correspondance de:
Dr Philippe Chastonay
Centre médical universitaire
Institut de médecine sociale et préventive
Bulletin des médecins suisses (2001)